la rétention de sûreté devant le juge constitutionnel

Publié le par florence CHALTIEL

La loi Dati controversée vient de passer l'examen constitutionnel. Le juge constitutionnel ne censure que partiellement et émet deux réserves d'interprétation.

La censure porte sur le principe de non rétroactivité de la loi pénale plus sévère. le juge adopte une position que l'on peut considérer comme équilibrée, puisque tout en affirmant que la rétention de sûreté n'est pas une mesure punitive, il censure son caractère rétroactif "eu égard à sa nature privative de liberté, à la durée de cette privation, à son caractère renouvelable sans limite et au fait qu'elle est prononcée après une condamnation par une juridiction".

La censure porte aussi sur le principe d'indépendance de la justice au regard de la libération conditionnelle des personnes condamnées à la réclusion à perpétuité: "

http://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2008/2008562/2008562dc.htm

32. Considérant que l'article 12 de la loi déférée complète l'article 729 du code de procédure pénale par un alinéa qui dispose que : « La personne condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité ne peut bénéficier d'une libération conditionnelle qu'après avis favorable de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté dans les conditions prévues par le deuxième alinéa de l'article 706-53-14 » ; que, selon les députés requérants, cette disposition porte atteinte au principe constitutionnel d'indépendance des juridictions ; 

33. Considérant qu'aux termes de l'article 66 de la Constitution : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. – L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi » ; que l'article 16 de la Déclaration de 1789 et l'article 64 de la Constitution garantissent l'indépendance des juridictions ainsi que le caractère spécifique de leurs fonctions, sur lesquelles ne peuvent empiéter ni le législateur, ni le Gouvernement, non plus qu'aucune autorité administrative 34. Considérant qu'en subordonnant à l'avis favorable d'une commission administrative le pouvoir du tribunal de l'application des peines d'accorder la libération conditionnelle, le législateur a méconnu tant le principe de la séparation des pouvoirs que celui de l'indépendance de l'autorité judiciaire ; qu'il s'ensuit qu'il y a lieu de déclarer contraire à la Constitution le mot : « favorable » à l'article 12 de la loi déférée"

Les réserves sont au nombre de deux.
la première ajoute une exigence à la juridiction régionale de la rétention de sûreté:  "Considérant que le respect de ces dispositions garantit que la rétention de sûreté n'a pu être évitée par des soins et une prise en charge pendant l'exécution de la peine ; qu'il appartiendra, dès lors, à la juridiction régionale de la rétention de sûreté de vérifier que la personne condamnée a effectivement été mise en mesure de bénéficier, pendant l'exécution de sa peine, de la prise en charge et des soins adaptés au trouble de la personnalité dont elle souffre ; que, sous cette réserve, la rétention de sûreté applicable aux personnes condamnées postérieurement à la publication de la loi déférée est nécessaire au but poursuivi "

La seconde porte sur une des dispositions relatives à la déclaration d'irresponsabilité pour cause de trouble mental: " Considérant que la décision de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental ne revêt pas le caractère d'une sanction ; que, lorsque aucune mesure de sûreté prévue par l'article 706-136 du code de procédure pénale n'a été prononcée, cette information ne peut être légalement nécessaire à l'appréciation de la responsabilité pénale de la personne éventuellement poursuivie à l'occasion de procédures ultérieures ; que, dès lors, eu égard aux finalités du casier judiciaire, elle ne saurait, sans porter une atteinte non nécessaire à la protection de la vie privée qu'implique l'article 2 de la Déclaration de 1789, être mentionnée au bulletin n° 1 du casier judiciaire que lorsque des mesures de sûreté prévues par le nouvel article 706-136 du code de procédure pénale ont été prononcées et tant que ces interdictions n'ont pas cessé leurs effets ; que, sous cette réserve, ces dispositions ne sont pas contraires à la Constitution".

Publié dans actu du droit constit

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L
Une autre question me taraude l'esprit (mais je ne voudrais pas monopoliser le débat). Si le CC écarte la qualification de peine, et donc l'application de l'article 8 DDHC), sur quoi se fonde-t-il en définitive pour censurer le caractère rétroactif de cette disposition ?
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F
le juge qualifie la mesurecomme il s'agit d'une mesure nouvelle, il doit la qualifier afin de savoir quels principes ont à s'appliquercompte tenu de la privation de liberté que la rétention de sûreté impose, il juge qu'elle ne peut être rétroactive.
L
Merci beaucoup pour cette veille juridique très utile bien au-delà de la seule préparation des concours administratifs !<br /> <br /> J'avoue ma perplexité face à la décision du Président de la République de "saisir" le Président de la Cour de cassation suite à la décision du Conseil constitutionnel<br /> Jean-Claude Colliard livre une interprétation sur LCI. D'autres avis ? <br /> http://tf1.lci.fr/infos/france/justice/0,,3724064,00-saisie-cour-cassation-trouvaille-pour-perdre-face-.html
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